Une Troisième Finale
Quillan Rugby
Quillan-Agen une troisième finale
Un autre drame dans le rugby français.
La Section Paloise, championne en 1928, est là ainsi que le S.U. Agenais, déjà demi-finaliste la saison précédente et qui, avec le Boucalais Jean-Baptiste Bedère s’est hissé parmi la fine élite.
C’est alors qu’un nouveau drame vient déchirer le rugby français. Pau et Agen s’affrontent à Bordeaux le 4 mai. Match passionnant, équilibré et de bonne tenue. Mais, voilà que le jeune ailier agenais Michel Pradié, élève au lycée Bernard Palissy, âgé de 18 ans, sur une attaque, est coincé par le terrible plaqueur qu’est le nouveau ailier du XV de France, Jean Taillandou. Le Palois s’est précipité sur l’Agenais et l’a pris à retardement alors qu’il venait de botter. Faute du Béarnais sans doute, mais incident banal somme toute, qui arrive fréquemment dans les parties les plus correctes. Incident banal aussi qu’un joueur sonné que l’on mène aux vestiaires. Les Agenais, à quatorze, vont livrer un combat somptueux et sortir Pau avec panache par 18 à 5.
Personne n’imagine alors le drame qui se joue près de là. Dans une clinique de Bordeaux, Michel Pradié, victime d’un grave déplacement de la colonne vertébrale, est à l’agonie.
Il meurt dans la nuit. L’émotion est immense, pour ne pas avoir pris à temps d’énergiques mesures de salubrité à l’encontre des grands coupables, le rugby français, qui a lassé l’opinion par ses excès, se voit mis en accusation sur un fait douloureux, mais qui n’est qu’un accident. Il a trop menti pour qu’on le croie lorsqu’il dit la vérité. La mort de Michel Pradié devient “l’affaire Pradié”. Le tribunal de Bordeaux va condamner Jean Taillandou avec sursis ; la F.F.R. et le Comité National des Sports sont déclarés responsables des conséquences civiles.
Quarts de finale (le 13 avril 1930)
Section paloise bat Stade français 5 à 3 à Clermont-Ferrand
AS Carcassonne bat Biarritz olympique 18 à 3 à Tarbes
SU Agen bat Stadoceste tarbais 18 à 0 à Bordeaux
US Quillan bat SA Bordeaux 10 à 5 (après prolongation) à Toulouse
Demi-finales
SU Agen bat Section paloise 18 à 5, à Bordeaux, le 4 mai 1930
US Quillan bat AS Carcassonne 3 à 0, à Lyon, le 11 mai 1930 (après un premier match nul, le 4 mai, 0 à 0, à Colombes)
Finale
SU Agen – US Quillan
Score
SU Agen 4 Quillan 0 après prolongations
Date 18 mai 1930
Stade Parc Lescure à Bordeaux
Arbitre Henri Lahitte
Finale 1930 Agen-Quillan
Les Finalistes d’Excellence 1930
Depuis quelques années, le professionnalisme est patent dans le rugby Français et pas seulement à Quillan.
La presse s’émeut. A nouveau, la crise est proche. La finale qui ramène les Agenais à Bordeaux face à Quillan, autre équipe titrée, est pourtant passionnante.
L’U.S. Quillanaise a poursuivi son racolage, allant débaucher l’ailier Barbazanges à Toulouse, le 3ème ligne aile Bigot à Lézignan, le deuxième ligne Joseph Guiraud à Carcassonne et le talonneur Baco aux Arlequins de Perpignan ; il a aussi récupéré Destarac à l’arrière.
Mais, si les pratiques de Jean Bourrel sont scandaleuses, il n’empêche que la superbe écurie audoise est une équipe sachant tisser un rugby complet, solide et spectaculaire en utilisant largement ses remarquables lignes arrières.
Mais, fatigués par trois saisons chargées, où ils sont allés chaque année jusqu’à la finale, et obligés de rejouer leur demi-finale contre Carcassonne pour arracher leur qualification par 3 à 0, les Quillanais ne parviendront pas à emballer le match comme ils aiment le faire.
La finale se joua donc à Bordeaux, au Parc Lescure, le 18 mai 1930. L’arbitre de la rencontre fut M. Henri Lahitte.
Après une minute de silence en hommage au jeune Michel Pradié, le coup d’envoi fut donné. La partie s’engagea, rapidement marquée par l’ascendant des avants audois. Mais les jeunes Agenais menaient de magnifiques contre-attaques par leurs arrières en liaison avec Bob Samatan qui opérait en 3″ ligne.
Les champions en titre n’arrivaient pas à concrétiser leur domination territoriale et le repos fut atteint sur un score vierge après qu’un léger accident eut opposé Bigot et Bedère. Le 3″ ligne audois, sèchement plaqué, dut aller se faire soigner sur la touche. Le capitaine agenais fut prié de le rejoindre avant que les deux combattants ne reviennent ensemble sur le terrain.
En seconde période, les Agenais traitèrent d’égal à égal avec les Quillanais en déployant un jeu alerte. Mais Quillan serre sa garde et, là encore, rien ne passe. Le tableau d’affichage reste désespérément vierge au terme d’un match dans l’ensemble correct.
Dans le premier quart d’heure de la prolongation, le jeu demeura équilibré avec un partage équitable des attaques et des défenses. Les deux camps tentent leur chance sans retenue : la décision est plusieurs fois toute proche pour chacun des prétendants. Guiral sauve par trois fois Agen et, ce merveilleux arrière, dans un jour béni, finit même par briser les espérances de Quillan.
Alors que l’on entamait le dernier quart d’heure, une offensive agenaise décala Lamoulie qui déplaça au pied Barbazanges, en difficulté, récupéra le cuir mais ne put assurer son dégagement. Guiral, en bordure de touche, saisit le ballon et tenta le drop des 45 m en coin. Le Ballon passa entre les poteaux quillanais : Agen menait par 4 à 0.
Malgré une échappée de Ribère et une belle percée de Cutzach, le destin avait parlé. D’ailleurs, Vigerie qui avait suivi un drop raté, manqua d’augmenter la marque des siens. L’U.S. Quillanaise perdit le match par 4 à 0 dans les prolongations.
Le soir, M. Octave Léry, président de la F.F.R., dira du drop de Guiral : “Le souffle du pauvre Michel Pradié semblait l’emporter vers la victoire”. Le Sporting Union Agenais entrait à son tour dans le cercle restreint des champions
. Trois jours plus tard, le bouclier de Brennus fut présenté sur la tombe du jeune Pradié. L’équipe quillanaise avait la composition suivante : L. Destarac, A. Barbazanges, R. Bonnemaison, M. Baillette, M. Soler, A. Cutzach, F. Corbin, C. Bigot, J. Galia, E. Ribère (capitaine), J. Raynaud, G. Raynaud, Delort, Baco et J. Flamand.
A la fin de la saion, l’U.S. Quillanaise fut dissoute et ce fut le Stade Quillanais, constitué par des éléments de Quillan et d’Espéraza, qui eut l’honneur de prendre la lourde succession en 1° Division, après que les étoiles filantes furent parties sous d’autres cieux. Mais, l’héritage était trop lourd à porter et le Stade Quillanais déclina…
Jean Galia.
LE MEILLEUR AVANT D’EUROPE
Quel incroyable destin, celui de ce Catalan, fils de maraîcher d’Ile sur-Tet qui a vu le jour le 20 mars 1905. Très tôt, il a montré de solides aptitudes pour les diverses pratiques sportives. Très éclectique, il a excellé en aviron. Boxeur de talent, il fut champion de France amateur dans la catégorie poids lourd.
Dans le rugby à XV, il a été particulièrement gâté. Militaire à Toulouse, il a participé à l’éclosion sportive du second club toulousain dans la ville rose, celui du Toec. Contacté à la fin des années 20, par le mécène quillanais Jean-Bourrel, il a participé aux trois finales du championnat de France (1928, 1929, 1930) du club de la Haute-Vallée et connu la joie du sacre du sacre en 1929 face à Lézignan.
Ce deuxième et troisième ligne (de 1 mètre 80 et 85 kilos) talentueux a également connu les joies de la sélection nationale à dix neuf reprises entre 1927 et 1931. Dans le concert international, les Britanniques l’ont même élu le meilleur avant d’Europe.
Après l’épisode Quillanais et la mise en sommeil de ce dernier, le Catalan a rejoint Villeneuve sur-Lot avec son fidèle coéquipier et ami Ernest Camo. Dans la sous préfecture lot et garonnaise, Jean Galia a pignon sur rue. Outre le talentueux joueur, il est un fin homme d’affaire. Dans ce domaine, il a parfaitement réussi et gère avec succès deux salles de cinéma : le Ciné Palace et l’Olympia. À Villeneuve, il a de légitimes ambitions, celles d’un sacre de champion de France. Pour mener à bien cet objectif, il a enrôlé ses amis catalans de l’US Perpignan : Aimé Barde, Serre Martine. Il espère recruter le talentueux François Noguères, ce qui fait jaser du côté de Perpignan et de son président Marcel Laborde.
Entre ce dernier et Jean Galia, c’est un véritable bras de fer qui s’engage pour la signature de François Noguères. Celui ci finit par parapher son nom en faveur de Villeneuve. Ce transfert déclenche l’ire des dirigeants perpignanais et des responsables fédéraux. Ces derniers par un étrange tour de passe-passe lié à un télégramme destiné à François Noguères et signé Jean, concluent que Villeneuve use d’arguments financiers pour recruter leurs joueurs. En ce mois de janvier 1933, la fédération procède à l’exclusion du club de Villeneuve-sur-Lot et à la double radiation de François Noguères et Jean Galia.
En ce début d’année 1934, Jean Galia n’a qu’une idée, celle de créer la Ligue treiziste. Or, comment faire sans ressources financières et aucun joueur ? L’homme d’affaire a un atout celui du dialogue.
Dans ce domaine, il est très convaincant. Début mars, il a mis sur pied une tournée en Angleterre et part à l’aventure avec dix-sept compagnons : François Récaborde, Jean Duhau, François Nouel, « Bob » Samatan, Joseph Carrère, Maurice Porra, Georges Blanc, Charles Petit, Charles Mathon, Laurent Lambert, Antonin Barbazanges, Henri Dechavanne, Gaston Amila, « Lolo » Fabre, Jean Cassagneau et Jean Marie Vignale. Dix-sept pionniers à qui Jean -Galia a promis qu’ils ne regretteraient d’avoir pris part à cette entreprise. Cette tournée se compose de six rencontres. Les « Galia Boys » s’imposent qu’à une seule reprise face à Hull (26-23) et s’inclinent respectivement face à Wigan, Leeds, les London Highfields et Salford.
Cette tournée des « frenchies » est au final un véritable succès populaire. Le rugby à XIII séduit petit à petit la France. Jean -Galia surfe sur la voie du succès et en profite pour mettre en place le 6 avril 1934 la Ligue treiziste dont le Nantais, François Cadoret en est le premier président.
Neuf jours après, c’est le premier match officiel de l’équipe de France face à l’Angleterre au stade Buffalo à Paris. Sous le capitanat de Jean-Galia, les Tricolores s’inclinent 21 -32, mais le public est particulièrement satisfait la prestation tricolore et laisse une juteuse somme dans les caisses de la Ligue.
L’année après, douze clubs participent au premier championnat de France remportée par Villeneuve. L’autre compétition domestique, la Coupe de France est remportée par Lyon face au XIII catalan (22-7). Une formation lyonnaise commandée par Charles Mathon. Au fil des années, la Fédération française de rugby à XV privée de rencontres internationales majeures voit le nombre de ses clubs se réduire comme peau de chagrin. Du côté de Dax, Cavaillon, Avignon, Brive, Béziers, Albi, la Rochelle, on franchit le Rubicon. En 1939, la FFR comptabilise 471 clubs sur 784 en 1934.
Dans cette décennie des années 30, le rugby à XIII est euphorique. Les stades sont pleins, son équipe nationale rivalise avec les Anglais, Australiens et Gallois Or, le régime de Vichy va en décider autrement. Le gouvernement au sport présidée par Jean Borotra et le colonel Pascot officialisent la dissolution de la Ligue treiziste, le 19 décembre 1941.
La Ligue voit ses comptes et ses biens confisqués. Elle renaît de ses cendres à la libération en 1946, mais sous l’appellation de jeu à XIII. Quant au fondateur, Jean Galia, il est resté fidèle à la discipline qu’il a créée en 1934. Propriétaire de trois cinémas à Toulouse, il est devenu le président du Toulouse-Olympique qui fut à deux reprises (1945-1946) finalistes du championnat de France. Le 17 janvier 1949, en pleine force de l’âge, il décède dans son appartement toulousain du boulevard de Strasbourg, victime d’une crise cardiaque. Il n’avait que 44 ans. Mais, son empreinte est profondément ancrée dans l’histoire du rugby à XV et XIII français.
Article Midi-Olympique https://www.midi-olympique.fr/article/17873-jean-galia-pere-fondateur